Sa Majesté le Roi Mohammed VI a présidé, mardi 25 mai 2021 au Palais Royal de Fès, la cérémonie de présentation du rapport général de la Commission Spéciale sur le modèle de Développement (CSMD). Le Souverain a reçu à cette occasion en audience Chakib Benmoussa, président de cette Commission, qui a présenté à Sa Majesté le Roi une copie du rapport.

Quatre principaux axes de transformation

Pour le Nouveau Modèle de Développement, la Commission propose quatre principaux axes de transformation:

Axe 1 : Une économie productive, diversifiée, créatrice de valeur ajoutée et d’emplois de qualité
Axe 2 : Un capital humain renforcé et mieux préparé pour l’avenir
Axe 3 : Des opportunités d’inclusion pour tous et un lien social consolidé
Axe 4 : Des territoires résilients, lieux d’ancrage du développement

Concernant les opportunités d’inclusion, le Nouveau Modèle de Développement vise à inclure tous les marocains à travers une dynamique de création de richesses qui mobilise toutes les forces vives et qui crée des opportunités d’inclusion pour tous. Il aspire ainsi à une société animée par une participation large et dynamique, reposant sur l’égalité des droits et des chances, la solidarité, la mixité et l’ouverture.

Autonomiser les femmes et assurer l’égalité de genre et la participation

Le renforcement de l’inclusion économique et la participation des femmes est au cœur des choix stratégiques pour le Nouveau Modèle de Développement.

Selon le rapport, l’égalité de genre et la participation de la femme dans la société sont aujourd’hui des marqueurs importants du développement. Leur renforcement constitue l’un des enjeux majeurs du Maroc moderne. En effet, la résorption des inégalités hommes-femmes, notamment en matière d’accès à l’emploi, générerait un supplément annuel de croissance
du PIB entre 0,2% et 1,95%. Au-delà des retombées économiques, l’égalité de genre et la participation des femmes sont des conditions nécessaires pour une société ouverte, cohésive et solidaire.
Le nouveau modèle vise à élargir substantiellement la participation des femmes dans les sphères économiques, politiques et sociales. Cette meilleure intégration, basée sur le développement des capacités, l’accès équitable aux opportunités et la promotion des droits, permettra aux femmes d’être plus autonomes et mieux outillées face aux aléas de la vie, et de consolider leur rôle au sein de la famille et de la société. Trois leviers prioritaires permettront d’élargir la participation et l’autonomisation :

• Lever les contraintes sociales qui limitent la participation des femmes à travers notamment : i) le renforcement de la protection sociale pour les femmes actives pendant les périodes de grossesse et les premiers mois de maternité (congés payés) ; ii) le développement de services et infrastructures permettant de faciliter leur participation économique (offre publique de crèches et de préscolaire, structures de garde d’enfants pour les grandes entreprises, aménagement du temps de travail, scolarité des enfants en journée continue, transports publics sécurisés, déductibilité fiscale des charges liées à l’emploi d’aide-ménagère, etc.) ; et iii) des actions fortes en faveur de la parité salariale et de l’équité dans l’accès aux opportunités d’emploi (objectifs de parité au sein du secteur public, quotas au sein des conseils d’administration d’entreprise et des organisations
syndicales, incitations fiscales en faveur des employeurs respectant la parité).
• Renforcer les dispositifs d’éducation, de formation, d’insertion, d’accompagnement et de financement destinés aux femmes. La Commission propose : i) un renforcement massif des efforts de lutte contre l’analphabétisme et l’abandon scolaire des filles dans l’enseignement collégial et secondaire, ce qui suppose d’améliorer l’accès à l’offre d’enseignement dans des conditions permettant la continuité de scolarité pour les filles (par exemple, à travers des internats), notamment dans le monde rural et dans les petites villes, et de renforcer les canaux de formation, d’orientation et d’insertion tout au long de la vie (programmes de validation des acquis, plateformes d’éducation en ligne, alphabétisation numérique etc.) ; ii) la protection des droits liés au capital et au foncier notamment par la poursuite des initiatives de « melkisation » des terres
collectives en faveur des femmes rurales en application de la loi 62-17 ; iii) la promotion de l’entrepreneuriat féminin à travers un accès amélioré au financement, aux aides publiques destinées aux entreprises et coopératives dirigées par des femmes, et une meilleure protection sociale pour les femmes auto-entrepreneurs.
• Promouvoir et développer la compréhension des valeurs d’égalité et de parité et assurer une tolérance zéro pour toutes les formes de violences et de discrimination à l’égard des femmes. Ceci suppose : i) des actions de sensibilisation dès le plus jeune âge (manuels scolaires, médias, rôles modèles, etc.) pour modifier les représentations concernant le rôle des femmes dans la société, leurs capacités à participer dans la vie sociale, économique et politique et l’importance des valeurs d’égalité et de parité ; ii) un renforcement de l’APALD dans ses prérogatives de promotion de la parité et de lutte contre les discriminations ; iii) une réforme du Code pénal et l’amendement de la loi 103-13 afin de couvrir toutes les formes de violence et de harcèlement, y compris au sein de la sphère privée, et de simplifier la procédure liée à la notification et à l’instruction de cas de violence contre les femmes ; iv) un renforcement de la prise en charge des femmes victimes de violence à travers une coordination plus efficace des acteurs impliqués ; et v) des mesures assurant un haut niveau de sécurité des femmes dans les espaces et les transports publics (par exemple, plateformes de déclaration et de signalisation en ligne, avec intervention des forces publiques en cas de besoin).

En plus d’élargir la participation des femmes, le nouveau modèle vise à renforcer leurs droits en cohérence avec les principes de la Constitution et sur la base d’une lecture contextualisée des préceptes religieux (Ijtihad). Pour cela, il est proposé, d’abord, de mettre en cohérence l’ensemble du corpus juridique et légal avec les principes constitutionnels visant l’égalité des droits et la parité. La société civile a un rôle à jouer pour participer à cet exercice, à travers différents mécanismes de démocratie participative. Il est également suggéré de mettre en place des espaces de débat socio théologique, en tant que cadre apaisé et serein permettant de faire avancer le débat sur des questions sociétales, telles que l’interruption volontaire de grossesse (IVG), le statut social des mères célibataires, le mariage des mineures, et la tutelle juridique des enfants, et ce avec la participation des
représentants des instances religieuses, des acteurs concernés de la société civile et des experts.
En particulier, la Commission propose de : i) reprendre de manière sereine et scientifique les débats de 2015 autour de l’IVG pour élaborer une législation à la fois souple et éthique, respectueuse des préceptes religieux, du droit à la vie du futur enfant et de la préservation de la santé physique et psychologique de la femme ; ii) assurer la responsabilité du père lors d’une naissance en dehors du cadre du mariage, notamment grâce aux technologies et au test ADN ; iii) préciser et limiter le pouvoir donné aux juges concernant les dérogations au mariage des mineures ; iv) accorder la tutelle légale des enfants aux deux parents. Dans le cadre de ce débat, et concernant l’héritage, il peut être envisagé que le Ta’ssib ne soit plus considéré comme option par défaut, mais de le soumettre à une appréciation des juges dans son application suivant une approche au cas par cas, et selon des critères renvoyant notamment à la responsabilité du parent revendiquant le droit à la ‘issaba dans le soin et la protection du défunt de son vivant.