La CGEM vient de présenter son Livre Blanc « vers une croissance économique, soutenue, responsable et durable », qui apporte des mesures concrètes de déploiement du Nouveau Modèle de Développement (NMD) de notre pays. L’objectif étant de créer un élan de confiance et de placer l’entrepreneuriat au cœur de cette dynamique. Toutes les forces vives de la CGEM se sont mobilisées pour présenter les positions du secteur privé sur différentes thématiques développées dans le rapport du NMD et ont rédigé collectivement ce Livre Blanc comportant 34 articles. La vocation de ce Livre Blanc est de communiquer les priorités de plaidoyer et d’actions du secteur privé afin de déployer le NMD avec efficience et succès.

Les contributeurs apportent un éclairage sur leur vision commune des leviers de changement et chantiers transformateurs transverses pour une économie productive d’avenir et les principales mesures recommandées pour une sélection de secteurs en mouvement. Sur le volet du renforcement du capital humain, le Livre Blanc a largement abordé la question de l’emploi des femmes et l’égalité des chances. La CGEM recommande la promotion des opportunités et de la participation des femmes.

Il en ressort que la situation de la femme au Maroc connaît quelques obstacles, notamment :

  • Le taux d’emploi des femmes est en nette détérioration, passant de 26% en 1999 à 16,7% en 2020. Ces dernières souffrent de marginalisation et d’une faible participation économique faute d’accès à des opportunités d’autonomisation et d’accompagnement ;
  • Le poids des contraintes socioculturelles et des stéréotypes encore très présents, la pauvreté, l’exclusion, la marginalisation des femmes, la déperdition scolaire des filles et leur mariage à un âge précoce… La femme est considérée d’abord à travers son rôle de mère ou d’épouse, tandis que sa capacité et son droit à réaliser ses ambitions et à participer à la création de la richesse ne lui sont pas pleinement reconnus ;
  • Le conflit entre le travail et la famille et les difficultés à trouver un équilibre entre la vie privée et la vie professionnelle concerne principalement les femmes et les pénalise ;
  • A l’école et à l’université en milieu citadin, les majors de promotion sont souvent des jeunes filles. Cette quasi-parité s’amenuise dans le monde du travail, dans les postes de responsabilité et dans le monde de l’entrepreneuriat ;
  •  Le chômage frappe davantage les femmes que les hommes, y compris chez les diplômés, impactant de fait leur situation économique. Le salaire des femmes est toujours considéré comme un salaire d’appoint pour les familles et la société ;
  •  Le plafond de verre dont font l’objet les femmes dirigeantes dans leur ascension professionnelle les empêche de s’impliquer activement. Leur faible représentativité dans les instances dirigeantes limite leur influence sur les décisions ;
  • Les parois verticales et les préjugés cultivés des métiers “féminins” ou “masculins”, empêchent et occultent une partie des postes à l’emploi des femmes.

Selon la CGEM, les chiffres renvoient à la triste réalité : moins d’1% des postes de responsabilité sont occupés par des femmes au sein des entreprises privées et moins de 5% dans les entreprises publiques. De même, seules 7% de femmes sont présentes dans les Conseils d’Administration ou de surveillance de grandes entreprises publiques et 11% dans les Conseils de sociétés cotées.

Or, le renforcement de l’inclusion économique et la participation des femmes est au cœur des choix stratégiques pour le Nouveau Modèle de Développement (NMD) permettra d’impacter positivement la croissance du PIB. Au-delà des retombées économiques, l’égalité des genres et la participation des femmes sont des conditions nécessaires pour une société ouverte, cohésive et solidaire.

Ce nouveau modèle aspire notamment à atteindre un taux d’activité des femmes de 45 % à l’horizon 2035, contre 22 % en 2019.

Le nouveau modèle vise ainsi à élargir, de manière substantielle, la participation des femmes dans les sphères économique, politique et sociale. Cette meilleure intégration, basée sur le développement et le renforcement des capacités, ainsi que la promotion des droits, permettront aux femmes d’être plus autonomes et mieux outillées afin de consolider leur rôle social.

« Le principe de l’égalité des chances homme-femme est central et historique dans la réflexion et l’action de la Confédération Générale des Entreprises du Maroc. En effet, la Charte RSE de la CGEM, mise en place en 2006, place la question de la diversité et de l’égalité homme/femme expressément parmi ses objectifs. L’élection d’une femme à la Présidence de la Confédération (2012-2018) a également été un signal fort envoyé au monde des affaires et aux différentes parties prenantes. », est-il souligné.

Dans ce sens, la CGEM, à travers sa Commission Entreprise Responsable et Citoyenne, œuvre pour la promotion de la diversité, l’égalité des chances et de traitement au sein des entreprises. Pour le patronat, la diversité, sous toutes ses formes, constitue une source de cohésion sociale, d’acceptabilité sociétale et de performance économique pour les entreprises.

Selon la CGEM, de nombreuses initiatives peuvent être mises en place afin de favoriser l’emploi des femmes et de renforcer l’égalité des chances tout en garantissant leur évolution tout au long de leur carrière professionnelle.

A. Des textes législatifs à la hauteur des ambitions de la Constitution

Le principe d’égalité entre hommes et femmes au Maroc a été institué dans la constitution de 2011 et plus précisément au niveau de son article 19. C’est pourquoi tout texte législatif doit s’assurer du respect de ce principe fondamental. Dans ce sens, la CGEM préconise la mise en place des actions suivantes :

  • Harmoniser l’arsenal juridique national avec les conventions internationales et la constitution de 2011 qui stipule que le Maroc s’engage à “accorder aux conventions internationales dûment ratifiées par lui, dans le cadre des dispositions de la Constitution et des lois du Royaume, dans le respect de son identité nationale immuable, et dès la publication de ces conventions, la primauté sur le droit interne du pays, et harmoniser en conséquence les dispositions pertinentes de sa législation nationale” ;
  • Amender toutes les dispositions juridiques impactant négativement la participation des femmes au marché du travail. La CGEM cite à titre d’exemple le code de la famille (inégalité successorale, mariage des mineurs, droits des mères célibataires…) ou encore la Loi 103-13 relative à la lutte contre les violences faites aux femmes ;
  •  S’assurer que tout projet de loi intègre la dimension genre et des dispositions paritaires avantageuses (le succès de cette recommandation reste quelque peu tributaire d’une participation politique plus importante des femmes) ;
  •  Définir le harcèlement moral et promouvoir sa reconnaissance par le législateur. En effet, ni le code du travail marocain ni le code pénal ne citent expressément le harcèlement moral
  • Introduire l’aménagement du temps de travail dans la législation et dans la pratique (télétravail, temps partiel, souplesse des horaires…) ;
  •  Participer à l’autonomisation de l’APALD (Autorité pour la parité et la lutte contre toutes les formes de discrimination), créée en 2017 par Dahir, qui n’est toujours pas opérationnelle et ne peut donc pas réaliser les différentes missions qui lui ont été dévolues, notamment l’encouragement et l’incitation à la mise en œuvre des principes de parité ou encore la consécration de la culture d’égalité dans les programmes de formation, d’éducation et d’enseignement.

B. Des entreprises gérées par des femmes

Il s’agit de promouvoir et de développer l’accès des femmes aux postes à responsabilité et au sein des instances de gouvernance des entreprises à travers les mesures suivantes :

  • Atteindre la parité à l’horizon 2035 dans les organes directeurs des entreprises grâce à des quotas (loi n°19-20 modifiant et complétant la loi n°17-95 relative aux sociétés anonymes) et à l’inclusion de dispositions dans ce sens au niveau des codes de gouvernance d’entreprise. Il convient de rappeler que la CGEM co-préside la Commission Nationale de Gouvernance d’Entreprise ;
  • Participer au développement du vivier d’administrateurs féminins au Maroc, notamment à travers la mise en place de formations et d’actions de sensibilisation en collaboration avec l’Institut Marocain des Administrateurs (IMA) et le Club des Femmes Administrateurs au Maroc (CFA) ;
  •  Rechercher et documenter les initiatives du secteur privé en matière d’égalité hommes-femmes au sein des instances de gouvernance des entreprises et leur donner plus de visibilité pour permettre un effet d’émulation ;
  •  Sensibiliser les entreprises au gain de performance avéré de la parité au sein des organes de gouvernance ;
  • Développer un programme de mentorat permettant d’échanger avec d’autres femmes administrateurs afin de mieux cerner les réalités de la fonction.

Selon la CGEM, les mesures de discrimination positive proposées sont transitoires, sachant qu’elles dérogent au principe constitutionnel d’égalité. Elles permettront de promouvoir une plus grande participation des femmes dans la gouvernance des entreprises et d’initier un changement des mentalités consacrant la méritocratie.

C. Un environnement propice pour une pleine participation à la vie économique et sociale

La contribution effective des femmes à la société reste hautement tributaire des représentations mentales qu’elles peuvent avoir d’elles-mêmes et ce, dès le plus jeune âge : il y a lieu de sortir de ce paradigme traditionnel qui met l’accent sur le rôle familial des femmes. Dans ce sens, afin de permettre aux femmes de contribuer efficacement au développement économique du pays, il est préconisé de mettre en place les actions suivantes :

Éducation et sensibilisation : 

  • Intégrer le principe de l’égalité entre les hommes et les femmes en tant que fondement de la citoyenneté marocaine au niveau des programmes éducatifs pour permettre un changement des mentalités dès le plus jeune âge ;
  •  Opérer un important travail de sensibilisation et de communication, en collaboration avec les parties prenantes idoines, pour agir sur les représentations mentales réductrices qui freinent l’épanouissement social et professionnel des femmes ;
  • Sensibiliser les jeunes filles à l’entrepreneuriat à travers des événements et des rencontres annuelles englobant toutes les régions du Royaume (semaine de l’entrepreneuriat, tournées régionales dans les écoles primaires, compétitions inter-lycées…).

  Recrutement et conditions de travail :

  • Mettre en place des modalités de recrutement favorisant l’égalité des chances à travers la rédaction d’offres d’emploi ne comportant aucun critère discriminant (sexe, situation familiale…). À titre d’exemple, il serait judicieux de sensibiliser mais également de féminiser le corps d’inspection du travail pour garantir une meilleure application des législations du travail.
  • Promouvoir une plus grande participation des femmes au dialogue social, ce qui permettra, notamment de conclure des conventions collectives renforçant leur autonomisation économique.
  • Mettre en place des moyens d’encouragement permettant l’autonomisation des femmes et la complète expression de leurs compétences : création de crèches d’entreprises ou inter-entreprises, flexibilité horaire, transport…Les mesures et aménagements décidés par les entreprises seront, par ailleurs, liés et contrebalancés par des objectifs de performance.

Financement et accompagnement :

  • Encourager les femmes entrepreneurs en facilitant l’accès aux services financiers et en simplifiant, dans la mesure du possible, les procédures d’accès aux crédits. Il y a lieu de rappeler que 16 % seulement des bénéficiaires du programme Intelaka sont des femmes.
  • Communiquer plus largement autour des nombreuses structures d’aide à la création d’entreprise qui existent au Maroc et les différentes prestations proposées.
  •  Améliorer la mise en synergie des réseaux de femmes créatrices d’entreprises pour améliorer l’accès à l’information et la diffusion de bonnes pratiques.