Par PNUD Maroc
L’Arganier est un arbre endémique du Maroc où se trouve la quasi-totalité de sa population (20 millions d’arbres répartis sur 830 000 Ha). Cet arbre unique au monde par son rôle de rempart contre l’avancée du désert, constitue une ressource économique importante pour bon nombre de ménages des régions dans lesquelles il pousse. Son fruit est exploité depuis des siècles pour ses multiples usages alimentaires, cosmétiques et médicaux. Son huile extraite, consommée principalement pour l’alimentation, a aussi connu un succès planétaire dans le domaine de la cosmétique. Depuis 2014, l’arganier est inscrit sur la liste du patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’UNESCO.
Récemment, ce produit a connu une popularité mondiale, notamment dans le domaine des cosmétiques, ce qui a créé un engouement sans précédent pour un produit traditionnellement consommé par les populations locales. Pour accompagner cette dynamique, de nombreuses femmes se sont constituées en coopératives pour générer des revenus pour elles et leurs communautés. En effet, on constate partout dans la région du Souss Massa – la première région productrice d’huile d’argane – que les femmes sont au centre de cette industrie, de la récolte à l’extraction de l’huile des amendons. D’ailleurs, la multiplication de ces coopératives a été importante dans l’autonomisation économique des femmes.
Le développement des coopératives a connu une progression remarquable : jusqu’en 2000, le nombre de coopératives créées par des femmes n’a pas dépassé le nombre de 111 avant d’atteindre 2.280 en 2015 et 4.525 en 2019 selon les données du Ministère de tutelle1. Cette évolution est principalement due à la forte impulsion de l’Initiative Nationale pour le Développement Humain (INDH) lancée par Sa Majesté le Roi du Maroc en 2005. Au niveau législatif, la nouvelle loi relative aux coopératives a simplifié la procédure de constitution et a donc permis de multiplier par 15 le nombre de coopératives de femmes en 15 ans.
D’autre part, depuis 2010, l’huile d’argane est protégée au Maroc en tant que « Indication Géographique Protégée (IGP) » afin de promouvoir et protéger sa dénomination sur les marchés nationaux et internationaux.
En avançant ces premiers éléments, on pourrait penser que le contexte est favorable et permet aux femmes de ces régions d’en tirer le meilleur profit. Or, on constate malheureusement que la majeure partie de la valeur ajoutée se réalise à l’étranger et que les femmes qui extraient l’huile d’argane ne reçoivent qu’une part minime. Le Maroc exporte quasi-totalement de l’huile brute vers l’Europe où la valorisation est réalisée et où la véritable richesse économique est créée à travers la transformation de l’huile brute en produits à haute valeur ajoutée (cosmétiques, alimentaires, etc.) et ensuite vendus et exportés à des coûts élevés. L’argan, comme beaucoup d’autres produits du terroir marocain, est une ressource d’une grande valeur mais qui bénéficie peu à l’économie locale. La commercialisation de la production des coopératives n’est pas toujours équitable par rapport aux efforts fournis par les femmes.
Ajouté à cela, la 4ème année de sécheresse consécutive ne vient pas améliorer les choses et met à rude épreuve la survie de certaines coopératives. D’ailleurs, plusieurs d’entre elles enregistrent actuellement une baisse d’activité et ne sont plus en mesure de produire assez de revenus pour les femmes rurales.
A cet égard, il devient urgent de réfléchir à des moyens d’améliorer cette situation. Le Nouveau Modèle de Développement préconise de faire de l’économie sociale un « pilier de développement » et encourage « la promotion de l’entrepreneuriat féminin à travers un accès amélioré́ au financement, aux aides publiques destinées aux entreprises et coopératives dirigées par des femmes, et une meilleure protection sociale pour les femmes auto-entrepreneurs ».
Dans le cadre du projet pilote « Enhancing the Participation of Women in Trade Activities in the Argan Oil Sector in Morocco », le Laboratoire d’Accélération du PNUD Maroc s’est attaché à comprendre les véritables défis de la filière en vue de développer des prototypes de solutions permettant aux coopératives féminines de tirer un meilleur profit de l’exploitation des arganiers.
Il en est ressorti 2 grands défis :
- Améliorer le positionnement dans la chaîne de valeur ;
- Atteindre plus facilement des clients BtoB et BtoC.
Ces 2 défis ont mis en exergue la nécessité de renforcer l’éducation en commerce international d’une part et de développer les moyens digitaux pour atteindre de nouveaux marchés d’autre part. À cet effet, le Laboratoire d’Accélération du PNUD Maroc a proposé de tester 2 prototypes pour adresser un nouveau marché porteur (Amérique du Nord) :
- Développement d’une plateforme de vente en ligne s’inspirant du modèle à succès de FairTrade Lebanon ;
- Organisation d’une opération d’export financée à 100% (transport, stockage et attaché commercial).
Dans l’élaboration de ces prototypes, nous avons été confrontés à 2 principaux problèmes :
- La réticence des coopératives à envoyer de la marchandise avant de recevoir les paiements, couplée à la frilosité d’envoyer des produits à de nouveaux partenaires sur de nouveaux marchés… En effet, plusieurs coopératives indiquent ne pas avoir les capacités financières pour produire de grandes quantités. De plus, par peur de défauts de paiements ayant déjà eu lieu, les seules coopératives qui exportent le font uniquement avec quelques clients traditionnels ;
- Le statut juridique de la coopérative ne facilite pas les opérations d’export. Au contraire, il les rend plus compliquées.
Force est de constater qu’il y a encore des efforts à fournir, non seulement en matière de renforcement des capacités entrepreneuriales des femmes dirigeantes de coopératives, mais aussi en matière de marketing et de communication sur l’IGP Argane. C’est pour cela qu’une réforme de la filière est nécessaire pour que les coopératives puissent progresser et tirer un meilleur profit à travers quatre axes fondamentaux permettant de structurer les mesures, les actions et les activités suggérées. Il s’agit principalement des :
(i) Dimensions juridiques, institutionnelles et de gouvernance,
(ii) Aspects liés au capital humain, à la formation professionnelle, à l’autonomisation des femmes et à l’inclusion des jeunes,
(iii) Dimensions inhérentes au développement durable et à la préservation de l’environnement,
(iv) Aspects liés à la digitalisation, l’innovation, la modernisation de la distribution et l’amélioration du potentiel à l’export du secteur.
Aussi, la mise en place d’offres de financement préférentielles en faveur des petites coopératives féminines et l’encouragement à la création de groupements de coopératives et de groupements d’intérêt économique permettraient d’améliorer le positionnement des coopératives sur le marché, de favoriser leur accès à la commande publique et de mutualiser les coûts des investissements.
Enfin, le PNUD, en collaboration avec la Fondation OCP, le Ministère du Tourisme et l’Office de Développement de la Coopération, fait partie des organisateurs du Sommet Africain des Coopératives prévu en novembre 2023, qui vise à développer une feuille de route, y compris des pistes pour une meilleure rétribution des revenus générés par la commercialisation de l’huile d’argan et une meilleure coordination des programmes de développement en appui aux coopératives féminines d’argan.
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Pour plus d’informations, veuillez contacter M. Omar Agodim, Head of Experimentation au sein du Laboratoir d’accélération du PNUD Maroc, omar.agodim@undp.org