Noor Slaoui, première cavalière marocaine et arabe à être qualifiée aux Jeux Olympiques Paris 2024 dans la discipline du concours complet nous dévoile comment elle a réussi à faire de sa passion pour les chevaux, une carrière dans les sports équestres et en même temps un business.
Depuis combien de temps montez-vous à cheval + background ?
Ma passion pour les chevaux c’est développée tôt et très vite ! J’ai commencé à l’âge de 4 ans par faire des randonnées en famille à dos de mulet dans le Haut Atlas. J’ai par la suite sillonné le Maroc à cheval. Je passais le plus clair de mon temps aux écuries et ces moments m’ont permis de tisser des liens profonds avec mes chevaux.
Après mon bac, j’ai pris une année sabbatique pour passer mon monitorat d’équitation à l’École Nationale d’Équitation de Saumur en France, je me rappelle encore de mon excitation car c’est une école très prestigieuse dans le monde de l’équitation en France et à l’international.
J’ai par la suite poursuivi mes études supérieures en Angleterre à l’Université de Warwick et j’ai continué à monter tous les jours à cheval dans un club à proximité de l’université. C’est à ce moment-là que j’ai découvert la discipline du Concours Complet : il s’agit d’un triathlon des sports équestres qui allie élégance en dressage, précision en saut d’obstacles et bravoure sur le Cross. Le partenariat Cavalier-Cheval doit exceller lors de chaque phase pour espérer un bon classement.
Vous êtes première cavalière Marocaine qui va représenter le Maroc aux JO de Paris, comment êtes-vous arrivée à ce niveau?
Après avoir obtenu mon diplôme universitaire, j’ai choisi de me consacrer à plein temps au Concours Complet. J’ai commencé en tant que « Groom » puis en tant que cavalière dans des écuries de grands cavaliers olympiques afin d’apprendre les rouages du métier. J’ai ensuite créé, avec ma coach et associée Déborah Fellous, des écuries de concours que nous avons nommées « Slaoui-Fellous Equestrian » et qui sont situées dans la campagne anglaise : j’y perfectionne mon équitation au quotidien et nous manageons actuellement 17 chevaux pour le compte de propriétaires que nous produisons et valorisons pour le Concours Complet de haut niveau sous les couleurs du Maroc.
J’ai atteint le haut niveau après sept années intensives de pratique sous l’œil et les conseils avisés de professionnels de ce sport et au prix de nombreux sacrifices que je ne regrette pas.
J’aimerais que l’on parle de votre relation avec les chevaux et notamment avec le cheval qui va vous accompagnez au JO de Paris ?
L’équitation est le seul sport ou l’on dépend d’un être vivant avec son caractère, ses humeurs, ses blessures etc. Malgré le fait qu’ils ne parlent pas, ils savent incroyablement communiquer et mon rôle est de développer ma capacité d’écoute et de compréhension, d’être une « horseman ».
Cette relation va bien au-delà de la simple performance en compétition, il y a là une véritable complicité qui se créée entre le cavalier et le cheval. C’est la clé d’un partenariat réussi sur le long terme. J’aime tisser des liens avec mes montures dès leur plus jeune âge – à commencer par leur débourrage, leurs premiers concours jusqu’à la progression vers le haut niveau.
Je dois également être sensible aux besoins et au bien-être des chevaux. Cette sensibilité me permet de prévenir les blessures et d’assurer le confort du cheval.
J’ai un lien très spécial avec le cheval qui m’accompagnera aux JO de Paris 2024, « Cash in Hand » : nous avons progressé ensemble des plus petits niveaux jusqu’au niveau Olympique. On se connaît par cœur et je suis enchantée de vivre cette aventure avec lui.
Qu’est-ce qui vous attends après les JO ?
Déborah et moi-même gérons 17 chevaux ; avec chacun leur planning en fonction de leur âge, de leur niveau d’entrainement et de nos objectifs. Mon objectif après les JO sera de représenter le Maroc pour une troisième année consécutive au Championnats du Monde des Jeunes chevaux et viser ma première participation en 5* avec Cash-In-Hand en fin de saison 2024.
Qu’est-ce que ça fait d’être la première femme Marocaine et arabe à participer aux JO dans une nouvelle discipline ? et quelle valeur ajoutée pour la femme Marocaine ?
Pour moi c’est un honneur, que ça soit les JO ou autre, lorsque j’ai fait mes premiers championnats, à chaque fois que je voyais le drapeau du Maroc flotter c’était une fierté immense, et pourvue que je représente le Maroc et la femme Marocaine comme il se doit.
J’espère humblement pouvoir inspirer les jeunes femmes marocaines à suivre leur passion, si on veut quelque chose on peut y arriver, moi je ne viens pas d’un milieu équestre, du coup j’ai dû me faire mon propre chemin, je n’avais pas de référentiels dans ma discipline mais cela ne m’a pas empêché d’y arriver dans un lapse de temps relativement court. Je suis excitée de voir ce que les années à venir me réservent, et si aujourd’hui je peux inspirer 2 ou 3 jeunes marocaines ça sera une grande victoire pour moi
Quel fil conducteur entre vos études et votre carrière ?
Pour moi, les études aident à structurer l’esprit, ça m’a appris à rédiger, donc aujourd’hui quand je dois parler à des investisseurs je sais structurer mon discours et surtout au niveau de la langue, puisque tout est en anglais, mes études m’ont également permis d’avoir un bon carnet d’adresses et beaucoup de maturité
De nouvelles pistes d’investissement en vue ?
C’est plus développer mon business d’une manière pérenne, intégrer de la formation, pouvoir accompagner des cavaliers marocains qui voudraient développer un business, et faisant du training ou de l’échange d’expérience, et je pense que c’est important dans la mesure où on doit changer l’idée que le sport n’est que du mécénat, parce que à un moment on stagne à un certain niveau, et donc du moment qu’il n’y a plus de fonds, tu ne peux plus performer.
La thérapie par les chevaux, pourrait-elle faire un nouveau volet santé à intégrer dans le pôle social de la famille Slaoui ?
J’ai faits l’expérience à plusieurs reprises avec une association très connue en Angleterre, et c’est vraiment un sujet qui me tient à cœur, c’est un volet qui est très développé là-bas pour les enfants avec des handicapes physiques et mentaux, dont j’ai pu suivre l’évolution avec l’équithérapie, le cheval est une éponge des émotions, j’au vu donc des enfants autistes pouvoir communiquer pour la première fois. Pour moi c’est vraiment exceptionnel, d’ailleurs j’ai fait l’expérience cette semaine avec des chevaux qui nous ont été gentiment prêtés par le Royal Club Équestre Le Carrefour pour les patients du Centre Nour, et c’était juste magique, ça nous a permis de dessiner le sourire sur tous les visages du centre, y compris le staff.
Il est vrai que le sport équestre reste un sport individuel et donc on ne fait généralement rien pour la société, mais pour moi c’est un objectif dans le moyen et long terme, parce que je pense que si je n’étais pas cavalière je serais sans doute entrepreneure sociale, donc si je peux allier les deux c’est le jackpot.