L’Étude économique de l’OCDE consacrée au Maroc exhorte le pays à intensifier les mesures en faveur de l’intégration des femmes sur le marché du travail formel. L’étude souligne l’importance d’améliorer l’accès aux services de garde d’enfants, de remédier aux discriminations, d’aider les femmes à concilier responsabilités familiales et travail et de favoriser un partage équitable des tâches domestiques. Des initiatives en matière de transport et d’inclusion financière sont également nécessaires pour promouvoir l’autonomie économique des femmes, notamment dans les zones rurales.
Selon ce rapport, présenté le 11 septembre à Rabat, le taux relativement faible d’activité des femmes sur le marché du travail témoigne d’une offre publique limitée de garde d’enfant, mais aussi de normes socioculturelles et de discriminations. En 2016, une enquête du HCP révélait que, de l’avis de plus de 60 % des personnes interrogées, la priorité devrait être donnée aux hommes en matière d’emploi et les mères qui travaillent compromettent l’éducation de leurs enfants (HCP, 2024b). Selon une enquête menée il y a presque dix ans, environ la moitié des Marocaines disaient être interdites de travailler par leur famille et bon nombre d’entre elles déclaraient manquer de compétences adéquates (Morikawa, 2015). Bien que l’écart de niveau de formation entre les genres se soit résorbé en quelques années (OECD, 2024f), beaucoup moins de femmes que d’hommes de 15 à 24 ans sont dans le système éducatif (HCP, 2024b). L’Indice Institutions sociales et égalité des genres (SIGI) de l’OCDE fait apparaître que le marché du travail marocain est plus discriminatoire dans l’ensemble que celui de la plupart des autres pays, notamment les pays de l’OCDE, mais moins que celui de la plupart des pays de la région MENA (OECD, 2024 forthcoming) et que la situation s’est améliorée dans l’ensemble depuis 2019. Le Maroc est cependant moins bien placé dans le domaine économique. Les femmes occupées à temps plein sont rémunérées 16 % de moins que leurs homologues masculins (HCP, 2023a).
Selon l’étude, le gouvernement a récemment lancé le troisième programme de promotion de l’inclusion économique desfemmes, qui prévoit des congés de maternité et des prestations importantes. Au Maroc, les mères qui travaillent dans le secteur formel ont droit à un congé de maternité rémunéré jusqu’à 14 semaines, soit l’un des plus généreux de la région MENA. Dans le secteur privé, la rémunération pendant le congé de maternité est relativement basse, à deux tiers seulement du salaire normal. Les mères qui exercent un emploi informel n’ont pas droit à cette allocation. Les données factuelles en provenance de Jordanie, pays qui a récemment mis en œuvre un régime d’assurance maternité, confirment qu’une telle prestation fait augmenter le taux d’activité des femmes, mais que le problème des remplacements reste à résoudre (au moins pour les travailleuses qualifiées).
Les femmes assurent également une grande part de l’aide aux parents âgés, domaine dans lequel le marché propose peu d’options.
« Il faut davantage aider les femmes à concilier responsabilités familiales et travail, mais aussi encourager un partage plus égal du travail domestique non rémunéré avec les hommes », est-il souligné. D’ailleurs, les femmes doivent répartir leur temps entre une multitude de responsabilités : selon l’ONU Femmes, les femmes et les filles à partir de 15 ans consacrent 20.8 % de leur temps à s’occuper des enfants et des personnes âgées, en plus des tâches ménagères, contre 3 % pour les hommes. Ce rapport de 7 est supérieur à la moyenne de 5.9 dans la région MENA. .
« Des mesures pour faciliter un meilleur équilibre entre les options de travail des femmes et leurs responsabilités financières seraient les bienvenues », est-il indiqué. Selon le Gros plan sur l’égalité des sexes 2023 publié par l’ONU, les Marocaines consacrent en moyenne 2.8 heures par jour de plus que les hommes aux tâches ménagères (cuisine et ménage), malgré l’allègement des corvées et le temps gagné grâce aux appareils ménagers. Les femmes bénéficieraient aussi grandement de la possibilité de sous-traiter les tâches ménagères. La disponibilité de services d’éducation et d’accueil de la petite enfance (EAJE) de qualité et d’un prix abordable est essentielle. Il ressort des données factuelles de l’OCDE que de meilleures structures de garderie d’enfants réduisent les contre-incitations à l’activité des femmes et les pénalités de rémunération liées à la maternité (OECD, 2024b). Le Maroc a réalisé d’importants progrès au regard de la préscolarisation des enfants de plus de 4 ans. L’élargissement de l’enseignement préprimaire public aux enfants de moins de 4 ans améliorerait encore les incitations à l’activité des femmes et aurait des effets positifs sur le développement des enfants et l’inclusion sociale.
Selon l’OCDE, l’amélioration de l’accès aux transports et de l’inclusion financière des femmes est nécessaire, en particulier dans les zones rurales isolées. Des initiatives de transport innovantes, comme les options de transport réservées aux femmes – qui existent au Brésil, en Égypte, en Inde, au Japon et au Mexique – pourraient être encouragées par les autorités locales et nationales. D’autres initiatives sont aussi prometteuses, dont la création d’applications mobiles qui informent en temps réel sur les horaires, les itinéraires et les dispositifs de sécurité des transports en commun, ou encore les systèmes d’alarme ou les applications dans les systèmes de transport permettant aux femmes de signaler rapidement les incidents ou les situations de harcèlement. D’une manière plus générale, les perspectives de genre devraient être intégrées à tous les stades de l’élaboration, de la planification et de la mise en œuvre des politiques de transport. L’amélioration de l’inclusion financière pourrait donner aux femmes qui travaillent les moyens de prendre elles-mêmes leurs décisions de consommation et d’épargne sur leurs revenus potentiels. Il pourrait être envisagé de concevoir des produits d’épargne, d’assurance et de placement adaptés spécifiquement aux besoins des femmes, mais aussi d’améliorer la culture financière, notamment en intégrant l’éducation financière dans le programme scolaire pour développer des compétences en la matière dès un jeune âge. Afin de remédier au problème des discriminations sexistes, un effort plus concerté d’élimination des pratiques d’embauche discriminatoires s’impose, par l’adoption de pratiques indifférenciées selon le genre et, de manière plus radicale, par la discrimination positive sous la forme de quotas aux postes de responsabilité dans les secteurs clés, à l’instar des mesures prises pour les conseils d’administration.
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