Avec 83 % de ses entreprises opérant dans l’informel et un taux de participation féminine parmi les plus faibles au monde, l’économie marocaine cumule des handicaps structurels majeurs. Dans son dernier rapport régional, la Banque mondiale appelle à transformer en profondeur le secteur privé pour libérer croissance, innovation et inclusion.

Dans son rapport « Changer de vitesse : Le secteur privé comme moteur de la croissance dans la région Moyen-Orient et Afrique du Nord », publié en avril 2025, la Banque mondiale brosse un portrait sans concession de l’économie marocaine et, plus largement, de la région MENA. L’un des constats les plus frappants concerne l’ampleur de l’informalité : 83 % des entreprises marocaines échappent aux circuits formels. Cette domination de l’économie parallèle étouffe la productivité, freine l’innovation et fragilise la résilience face aux chocs économiques, climatiques ou géopolitiques.

La situation des femmes dans l’économie aggrave encore ces vulnérabilités. En MENA, la participation féminine au marché du travail plafonne à 18 %, le taux le plus bas au monde, bien loin de la moyenne mondiale de 49 %. Le Maroc, bien qu’il ait engagé certaines réformes, reste représentatif de cette dynamique : seulement 5,4 % des entreprises sont dirigées par des femmes. Pourtant, les données de la Banque mondiale révèlent que les entreprises dirigées par des femmes emploient en proportion deux fois plus de femmes que celles dirigées par des hommes. Combler cet écart serait plus qu’un impératif social : réduire les disparités de genre pourrait augmenter le revenu par habitant d’environ 50 % dans un pays type de la région.

Un secteur privé en panne d’élan

La Banque mondiale montre que le secteur privé marocain souffre de faiblesses structurelles profondes. La productivité du travail y a connu une croissance modeste entre 2016 et 2019, tirée uniquement par une amélioration de l’efficacité au sein des entreprises existantes (effet within). Mais cette amélioration a été partiellement annulée par une mauvaise réallocation des parts de marché (effet between) : les entreprises les plus performantes n’ont pas réussi à gagner en influence, tandis que les moins productives ont progressé.

Dans les services, la productivité du travail a augmenté de 8 %, mais elle a chuté de 6 % dans l’industrie. Cette dynamique limitée est aggravée par un environnement concurrentiel faible : au Maroc, les grandes entreprises bénéficient de marges plus confortables que dans d’autres pays de la région, signe d’une faible intensité concurrentielle. Le crédit bancaire reste concentré sur les grandes entreprises anciennes, malgré un système financier relativement développé, ce qui empêche l’émergence de nouveaux acteurs dynamiques.

Le tissu économique marocain est également marqué par une forte fragmentation : 86 % des emplois sont concentrés dans des entreprises de moins de 10 salariés, contre 35 % dans les pays de l’OCDE. Les petites entreprises grandissent peu et restent, pour beaucoup, à faible productivité.

Changer de cap : le rôle décisif des femmes en entreprise

Dans ce contexte, la Banque mondiale plaide pour un changement structurel profond. Il ne s’agit plus seulement de soutenir l’activité, mais de créer les conditions d’un secteur privé compétitif, inclusif et innovant. Cela passe par :

Une meilleure neutralité concurrentielle entre entreprises publiques et privées.

Une amélioration des pratiques de gestion au sein des entreprises.

Une mobilisation beaucoup plus active des talents féminins.

Le rapport souligne clairement que favoriser l’ascension des femmes dans les postes de direction n’est pas seulement une question d’équité, mais aussi un levier économique majeur. Dans les entreprises dirigées par des femmes, l’emploi féminin est naturellement plus élevé, stimulant à la fois l’inclusion sociale et la performance économique.

Le Maroc, à l’instar de la région MENA, dispose donc d’un immense gisement de croissance inexploité : celui des femmes entrepreneures, innovatrices et leaders. Face à une croissance atone et des défis multiples, parier sur l’inclusion féminine n’est plus une option : c’est une nécessité stratégique pour bâtir une économie plus résiliente, plus compétitive et plus juste.

Pour plus d’informations:

https://www.banquemondiale.org/fr/region/mena/publication/middle-east-and-north-africa-economic-update